En tant que claveciniste amiénoise d'origine, j'avais entendu parler de ce clavecin historique qui fut longtemps à l'Hôtel de Berny avant d'être confié à la Cité de la Musique de Paris dans les années 90. Un clavecin du XVIIe siècle, de la main du célèbre facteur Iohannes Ruckers, dont les instruments étaient recherchés dans toute l'Europe. Une rareté, de par le peu de modifications faites par rapport à l'état originel, contrairement à la plupart des Ruckers, souvent "ravalés" entièrement au XVIIIe siècle pour les mettre au goût du jour. Ceux et celles qui avaient eu l'occasion de l'entendre en concert quand il était encore à Berny se rappellent sa sonorité magnifique et sa forte personnalité. Mais depuis son départ d'Amiens, ce clavecin est en sommeil.
Après un concert donné en novembre 2023 au Musée de Picardie s'en est ensuivi une discussion avec les Amis du Musée et le Musée à son sujet et voilà que cette idée un peu folle a surgi : et si le Ruckers sortait du silence? et pas seulement pour un concert mais pour un disque qui lui serait consacré?
Je suis d'abord allée le jouer à la Cité, dans l'intimité de la salle d'harmonisation où on avait eu la gentillesse de me le déposer, et j'ai été très touchée et impressionnée par cet instrument: il est effectivement exceptionnel, intéressant et d'une présence rare.
J'ai ensuite pendant plusieurs semaines réfléchi au programme que je souhaitais élaborer pour lui et choisi de jouer un florilège de pièces de Sweelinck, compositeur et clavièriste néerlandais du XVIIe siècle très renommé à l'époque. N'ayant jamais quitté son pays, il a pourtant été influencé par la musique italienne, la musique française et la musique anglaise. On retrouve d'ailleurs certaines de ses oeuvres dans le Fitzwilliam Virginal Book, un des plus grands recueils qui existent pour la musique anglaise des XVIe et XVIIe siècles. Ce lien avec les virginalistes anglais m'a tout naturellement invitée à ajouter quelques pièces de Byrd, extraites du Fitzwilliam ainsi qu'une fantaisie in four parts d'Orlando Gibbons, extraite du recueil Parthenia qui est daté en 1612...J'aime à m'imaginer en jouant ce Ruckers que j'ai dans les doigts et dans les oreilles ce que Sweelinck pouvait entendre.
Ce projet me tient à coeur en tant qu'artiste et en tant qu'amiénoise attachée à son patrimoine, mais il ne pourra se réaliser sans votre aide, c'est pourquoi cette collecte est mise en place.